« Le dossier du 28 septembre est perçu comme étant un dossier politique en Guinée »
Face à l’horreur du 28 septembre 2009, ils ont choisi de rester, d’écouter et de soutenir. L’Association des Victimes, Parents et Amis du 28 septembre, l’AVIPA s’est imposée dans le silence du chaos. Souleymane Camara, responsable des programmes, raconte les débuts d’un engagement né dans l’urgence, au milieu du déni et de la peur.
Pour de nombreuses survivantes, le plus dur n’a pas été de faire face aux agresseurs. Mais d’affronter leurs proches. Dans une société où l’honneur se confond avec le silence, les victimes de viol étaient souvent abandonnées par les leurs. Stigmatisées, répudiées, elles ont d’abord dû survivre à l’exclusion avant de pouvoir témoigner.
Dans les récits, une phrase revient : “Ce n’étaient pas des Guinéens. » Une manière de souligner l’ampleur du traumatisme laissé par ces actes.
L’écriture comme refuge
En 2021, un livre est publié. Il rassemble les voix de plus de cent femmes, victimes de viols, qui ont choisi de raconter leur histoire sans se montrer. L’écriture devient alors un espace de vérité, un outil de transmission. Pour que leurs enfants sachent. Pour que plus jamais cela ne se reproduise.

Longtemps, le dossier du 28 septembre a été pris en otage par les tensions politiques. Certains nient encore les faits, par intérêt, par fidélité à un clan, ou par refus de regarder la réalité en face.
Autonomie : une autre forme de réparation
Guérir, ce n’est pas seulement panser les plaies psychologiques. C’est aussi pouvoir se reconstruire matériellement. Retrouver une activité, des revenus, une place dans la société. L’autonomie redonne du pouvoir aux femmes, souvent privées de tout. Elle rend possible un nouveau départ.

Dans un pays sans lieu de mémoire, AVIPA s’efforce de sauvegarder l’histoire. Vêtements, chaussures, objets portés ce jour-là : tout sera conservé dans un centre à Maferinya. Parce que ces traces, aussi modestes soient-elles, sont la preuve que l’oubli n’aura pas le dernier mot.
Le droit de témoigner, le devoir de protéger
Trop souvent, les médias ont exposé des récits sans précaution, mettant en danger les victimes. Pour AVIPA, la mémoire ne peut se construire qu’avec éthique. Respecter l’anonymat, préserver la dignité : des règles simples, mais essentielles, pour éviter de revictimiser celles qui ont déjà tout perdu.
Derrière chaque récit, il y a un combat. Celui d’une parole qui se libère, d’une mémoire qui se construit, et d’une justice qui, enfin, se fraie un chemin. L’histoire du 28 septembre 2009 ne se résume pas à une date. C’est une lutte quotidienne, menée par des femmes, des survivants, et ceux qui les accompagnent, pour que jamais l’impunité ne soit une fatalité.